DWZ catalogue 3 BD - Flipbook - Page 14
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Charles Sprague Pearce
(Boston, Massachusetts, 1851 – Auvers-sur-Oise, 1914)
A
lors qu’il envisageait de parfaire sa formation artistique à Munich, le jeune Charles
Sprague Pearce suit les conseils du peintre
William Morris Hunt, Bostonien comme lui et
ancien élève de Thomas Couture, et part 昀椀nalement étudier à Paris. Arrivé dans la capitale
en 1872, il intègre l’atelier privé de Léon Bonnat,
où il se lie d’amitié avec John Singer Sargent.
En 1873, sans doute encouragé par un orientalisme encore très en vogue au Salon, il se rend
en Égypte où il remonte le Nil en compagnie de
Frederick Arthur Bridgman, multipliant les toiles
aux sujets égyptiens. De retour à Paris, il fait
partie du cercle de Loomis, Blash昀椀eld, Ramsey
et Bridgman. En 1876, il expose à Philadelphie
et à Paris, où sa première participation au Salon
marque le début d’une brillante carrière. Mention
honorable dès 1881, il obtient une médaille de troisième classe en 1883, est nommé hors concours
en 1889, lors de l’Exposition universelle, avant
d’être fait chevalier de la Légion d’Honneur en
1894. Dé昀椀nitivement installé en France, Pearce
emménage à Auvers-sur-Oise en 1885. À l’instar
de son compatriote Charles Ridgway Knight et de
Dagnan-Bouveret, il s’y fait construire un atelier
muni d’une grande verrière. Après avoir dans
un premier temps privilégié des portraits et des
scènes bibliques qui séduisent les jurys, il peint
essentiellement des scènes issues du monde
rural dans la mouvance de Bastien-Lepage, faucheuses et bergères. Ses succès se multiplient
également à l’étranger, comme en témoignent
les récompenses qu’il reçoit à Munich en 1888,
Berlin en 1889, Chicago en 1893 et Buffalo en
1901. Ses scènes intimistes sont régulièrement
achetées par des collectionneurs américains,
consolidant son prestige transatlantique. C’est
ainsi qu’il reçoit la prestigieuse commande en
1896 des décors du Thomas Jefferson Building,
le plus ancien des trois bâtiments qui composent
actuellement la Bibliothèque du Congrès des
États-Unis à Washington.
N
otre petite huile sur panneau se rattache
à la part la plus intime de la production de
Charles Sprague Pearce. En 昀椀gurant l’intérieur
élégant et bien rangé de son atelier, où trônent
les drapeaux français et américain de ses deux
patries, l’artiste porte un regard sensiblement
ironique sur le théâtre de sa propre création. Loin
de ses grandes scènes historiques, rurales ou
allégoriques, il déploie l’espace de son modeste
studio comme on montrerait l’envers d’un décor,
permettant un étrange dialogue entre deux
mondes que tout oppose. Alors que la palette du
peintre demeure absente, le chevalet occupant la
partie gauche soutient une grande toile esquissée
où 昀椀gure un nu féminin frontal, hiératique, dans
la pose 昀椀gée d’un modèle académique, les bras le
long du corps. Non sans humour, Pearce associe
à cette image passablement idéalisée encore en
gestation le modèle réel, assis sur le canapé à
droite, dans un moment de pause plus naturaliste,
les jambes repliées, les bras posés sur ses genoux,
comme lassée. Nue, elle aussi, elle porte la même
coiffe de 昀氀eurs bleues mais se trouve dépourvue
de tout arti昀椀ce ou de mise en scène. Avec l’acuité
d’un photographe, le peintre saisit ici l’atmosphère silencieuse d’un moment suspendu entre
la pose et la pause, entre l’expression picturale
et la chair vivante.