DWZ catalogue 3 BD - Flipbook - Page 30
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es trois lithographies sur papier vélin
que nous présentons s’inscrivent dans le
processus créatif de la plus célèbre planche de
Charles Guilloux, L’Inondation, publiée par André
Marty dans L’Estampe originale d’avril – juin 1893
(昀椀g. 1). Si cette dernière, assez rare et recherchée,
n’a été éditée qu’à cent exemplaires numérotés,
dont certains aujourd’hui conservés dans les
plus grands musées du monde2, ces épreuves
préparatoires demeurent les seules connues à
ce jour. De par leur excellente qualité de conservation, elles offrent le rarissime témoignage du
processus novateur et résolument moderne
qu’implique l’édition des lithographies en couleur.
Selon le procédé de décomposition par couleur
du dessin, les pierres encrées viennent successivement 昀椀xer une, deux puis trois couleurs
sur une même feuille de papier. Un système de
repérage permet de superposer les couleurs
avec une grande précision et d’obtenir un grand
éventail de nuances et de riches effets picturaux.
Nos épreuves de travail intéressent particulièrement en ce qu’elles illustrent précisément ce
processus de décomposition. Au jaune, couleur
primaire essentielle du sujet, s’ajoutent deux
L
couleurs secondaires, le vert et le mauve, avant
d’accueillir le bleu de la dernière pierre, encore
absent ici. Le séduisant paysage qui en résulte
illustre parfaitement la vision singulière et synthétique qui a fait le succès de Guilloux. Au milieu
de terres inondées d’où jaillissent les silhouettes
vertes des peupliers, un chemin part du premier
plan vers l’horizon en tournant circulairement
vers la gauche de la feuille. A travers de grandes
zones colorées en aplats, les différents éléments
naturels viennent structurer une composition qui
doit beaucoup aux estampes japonaises. Guilloux
nous livre ainsi une œuvre tout à la fois mystérieuse et poétique, dont le symbolisme singulier
vaut à l’artiste de 昀椀gurer en 1896 dans l’ouvrage
de référence du critique André Mellerio, Le
Mouvement Idéaliste en Peinture, au sein duquel
son art est perçu comme « une façon nouvelle et
particulière d’envisager la nature et d’en concevoir la représentation, tout en lui conservant son
impression directe. […] L’ensemble des teintes
formait une harmonie donnant l’exquis du rêve.
Cependant qu’au fond subsistait une sensation
de réel, d’où se dégageait une émotion ou calme
ou tourmentée qui saisissait et pénétrait.3 »
Outre la planche du Petit-Palais que nous reproduisons ici, d’autres exemplaires sont conservés
au Van Gogh Museum d’Amsterdam (inv. p1048V2000), au Metropolitan Museum de New York (inv.
22.82.1-15) et à la National Gallery de Washington (inv. 2004.162.27).
2
3
Mellerio, André, Le Mouvement Idéaliste en Peinture, Paris, H. Floury, 1896, p. 42-43.