DWZ catalogue 3 BD - Flipbook - Page 36
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conduit l’œil vers l’habitation en bois, déjà partiellement noyée dans les écharpes de brume.
Derrière elle, les pentes vertes et minérales,
striées de rochers ocres, se perdent dans un voile
de vapeur grise. À gauche, une cascade blanche
dévale en 昀椀lets nerveux les 昀氀ancs de la roche,
tranchant le silence de son mouvement vertical.
Le ciel, impalpable, diffuse une lumière laiteuse,
sans source ni direction, enveloppant l’ensemble
d’une atmosphère mystérieuse. Remarquée par
Antonin Proust1 lors de son exposition au Salon
de la Société Nationale des Beaux-Arts de 1898,
la composition repose toute entière sur cette
tension subtile entre la structure géologique
immuable et la fugacité du climat. Ce brouillard
montant, auquel le titre donne toute sa charge
poétique, ne constitue pas seulement une donnée météorologique mais devient le sujet même
du tableau, comme pour transformer le visible
en songe. À rebours du pittoresque, Baud-Bovy
confère une dimension plus symboliste à son
œuvre, en développant un langage pictural qui
lui est propre, où la montagne devient état d’âme.
C’est précisément cette part spirituelle qu’a su
percevoir Charles Morice en 1893 : « Il a peint
le puissant silence de l’Alpe religieuse. Sans
légendes et sans mythes, par la plus 昀椀dèle imitation de la nature, ce peintre est près de nous
donner le sens mystique de la réalité2 ».
« Il est pleinement maître de son métier. Il a l’œil très juste », in Proust, A.,
Le Salon de 1898, Paris, Goupil & Cie, Jean Boussod, Manzi, Joyant & Cie, p. 81.
1
2
Morice, C., « Le Peintre de la Montagne », L’Idée libre, Paris, janvier 1893.