DWZ catalogue 3 BD - Flipbook - Page 54
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Georges-Alfred Bottini, dit George Bottini
(Paris, 1874 – Villejuif, 1907)
é à Montmartre, George Bottini a dès son
igurant l’intérieur tamisé du Bar anglais
plus jeune âge été immergé dans l’efferde l’avenue de la Grande Armée, la délicate
vescence de la butte par les clientes de son père, aquarelle que nous présentons illustre bien la
coiffeur d’origine italienne installé rue Fontaine. part plus feutrée et introspective de l’univers
Habitué du Moulin de la Galette, du Bal Tabarin et de George Bottini. Elle s’inscrit dans le travail
des hôtels borgnes du quartier de la rue Bréda, où sériel entrepris par ce dernier dans les cafés et
il aurait contracté la syphilis dès l’âge de quinze bars parisiens, où l’artiste, avec une sensibilité
ans, il se tourne vers la peinture et s’inscrit dès rare, s’attache à saisir les postures, les silences
1894 dans l’atelier de Fernand Cormon. Peu après et les échanges fugaces. Ici, loin du tumulte des
son service militaire, il participe dès 1896 aux boulevards, dans une lumière diffuse et sourde
Expositions des peintres Impressionnistes et où le temps semble suspendu, Bottini campe les
Symbolistes à la galerie Georges Petit, avant de silhouettes très stylisées de deux clientes dont les
faire ses débuts l’année suivante au Salon de la attitudes, équivoques, divergent sensiblement.
Société Nationale des Beaux-Arts. Développant Tandis que la 昀椀gure centrale, à la jupe bleue
une activité d’af昀椀chiste et de dessinateur pour évanescente, nous harangue de son regard noir,
la presse artistique, il collabore au Rire, alors nonchalamment appuyée contre le comptoir de
dirigé par Arsène Alexandre, qui décèle en lui bois sombre, l’autre femme à gauche se dresse
un « moderne Constantin Guys 1» et lui présente face à elle, 昀椀gée comme un spectre. Alternant
Toulouse-Lautrec et Anquetin. Remarqué par de délicats lavis à un savant usage de la couleur
Edmond Kleinmann, ancien maire du XVIIIème crème du papier laissé en réserve, Bottini joue
arrondissement et éditeur de Willette, de De subtilement d’une géométrie silencieuse : le
Feure et de Steinlen, Bottini expose dans sa damier noir et blanc du sol guide le regard vers
galerie de la rue de la Victoire en 1899. Figure l’arrière-plan chargé d’objets, de bouteilles et de
de la bohème montmartroise, volontiers dandy, re昀氀ets, dans une composition rigoureusement
il orthographie volontairement son prénom maîtrisée. Les verticales des deux 昀椀gures, du
« George » à l’anglaise et cultive son élégance en palmier en pot et du tabouret haut rythment
knickerbockers et chapeau melon. Client régulier l’espace avec équilibre, tandis que la 昀氀uidité de
de La Souris, le fameux bar lesbien de la butte, il l’aquarelle donne au décor l’aspect d’un souvenir
voue très vite une prédilection pour l’aquarelle qui se dissipe. Notre œuvre s’imprègne d’une
en dessinant les 昀椀gures aguicheuses et fardées certaine mélancolie, en évoquant, à l’instar de
des prostituées de la place Blanche. En 1903, Lautrec ou de Forain, la solitude qu’éprouvent les
Bottini rejoint les cimaises de la galerie Berthe- 昀椀lles de joie, loin de tout idéalisme ou fantasme 昀椀n
Weil et fréquente Picasso, avant de participer à la de siècle. En 1899, avec acuité, le critique Gustave
fondation du Salon d’Automne. Parallèlement, il Geffroy rend compte de ce symbolisme discret
gagne sa vie en illustrant des romans et nouvelles, et moderne propre à l’œuvre de George Bottini,
des récits le plus souvent légers comme Nuits de dans sa préface du catalogue de l’exposition des
fête de Félicien Champsaur en 1902, Les Minutes aquarelles de ce dernier à la galerie Kleinmann :
Parisiennes de Gustave Coquiot en 1903 et La « Il a vu de ses premiers regards, en même temps
Maison Philibert de Jean Lorrain en 1904. Malade, que le monde touchant du travail, le monde
atteint de delirium tremens, il est interné en 1907 interlope de la galanterie qui a bien aussi sa
à Villejuif, où il meurt fou peu de temps après.
douleur, sous son cynisme.2 »
N
F
Alexandre A., in Edouard-Joseph, Dictionnaire biographique des artistes contemporains, 1910-1930,
Paris, 3 vol., 1930-1934, t. 1, p. 167.
1
Ge昀昀roy, G., Exposition de 50 aquarelles par George Bottini, Bals, Bars, 吀栀éâtres, Maisons Closes, Galerie Kleinmann,
du 30 janvier au 11 février 1899, Paris, Ed. Kleinmann, marchand de dessins et d’estampes modernes, 1899, p. 4.
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