DWZ catalogue 3 BD - Flipbook - Page 62
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Bernard-Joseph Artigue
(Muret, Haute-Garonne, 1859 - Blaye-les-Mines, Tarn, 1936)
O
riginaire de Muret, en Haute-Garonne,
Bernard-Joseph Artigue se forme
d’abord à Toulouse dans l’atelier de Jean-Paul
Laurens, avant de se rendre à Paris pour intégrer l’École des Beaux-Arts, où il suit l’enseignement d’Alexandre Cabanel. C’est en 1894 qu’il
fait ses débuts au Salon des Artistes Français,
où il expose jusqu’en 1898, avant de rejoindre la
Société Nationale des Beaux-Arts en 1902. À partir de 1903, il privilégie le Salon des Indépendants
et participe à la fondation du Salon d’Automne.
Peintre et pastelliste éclectique, il se montre 昀椀n
naturaliste dans ses portraits de jeunes paysans
et ses scènes champêtres. Évoluant dans le
cercle d’Henri Martin, son condisciple de l’atelier
Laurens, il fragmente sa facture en appliquant au
traitement de ses paysages et natures mortes un
pointillisme aussi rigoureux que lumineux. Très
attaché à sa région d’origine, Bernard-Joseph
Artigue réside un temps à Toulouse, rue des
Sesquières, exposant régulièrement au sein
du salon de l’Union Artistique de la ville ainsi
qu’au Salon des Artistes Albigois. En 1897, il
choisit d’installer dé昀椀nitivement son atelier à
Blaye-les-Mines, village du Tarn dont il était
tombé amoureux dès son premier passage en
1878, et où il épouse Mathilde Laporte en 1899. S’il
expose à nouveau sans discontinuer au salon des
Artistes Français entre 1923 et 1934, et béné昀椀cie
d’une rétrospective à la galerie Georges Petit en
1928, le peintre réside à Blaye jusqu’à la 昀椀n de sa
vie, imprégnant durablement ses œuvres de la
lumière particulière du Sud-Ouest.
A
travers cette grande toile 昀椀gurant un
paysage silencieux et crépusculaire,
Bernard-Joseph Artigue nous livre l’un de ses
plus beaux hommages à la terre du Sud-Ouest et à
son monde paysan. Quatre silhouettes se tiennent
immobiles à l’orée d’un champ labouré, leurs
fourches 昀椀chées au sol. Au centre, les femmes ont
les visages baissés, l’une d’elle a les mains jointes,
tandis qu’aux extrémités, les hommes portent
leurs regards vers l’horizon. Alors que la lumière
du jour décroît, un croissant de lune pâle perce en
haut à gauche un ciel turquoise doucement lavé
de rose, envahi par un épais nuage venant de la
droite. Au centre de la toile, la masse sombre des
昀椀gures se découpe en contre-jour pour s’ancrer
dans la terre verte et ocre rouge. Artigue structure
sa composition en marquant cette opposition
entre ciel et glèbe, entre transparence et densité,
entre l’élévation spirituelle et l’enracinement
du travail. Ce dernier a tout juste cessé, le jour
tombe, l’heure de l’Angélus est rappelée par les
cloches lointaines. Cette prière immuable, qui
rappelle la salutation de l’ange à Marie lors de
l’Annonciation, marque les liens invisibles entre
le ciel et la terre, entre l’effort et la contemplation.
Saisie dans son recueillement intime, chaque
昀椀gure, bien que plastiquement réduite à l’essentiel, se voit enrichie d’une force intérieure et
d’une certaine monumentalité sculpturale. Par
son titre chargé de mémoire religieuse et rurale,
L’Angélus reprend un thème classique de la
peinture de genre paysanne, considérablement
popularisé par le tableau de Jean-François Millet
un demi-siècle plus tôt. A travers l’importance
de son format, le traitement vibrant et singulier
de la lumière et des formes, Artigue confère à
ce sujet une poétique plus moderne, une vision
plus intériorisée et métaphysique qui échappe
au pittoresque pour prétendre au statut d’icône.