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Antonio Fillol Granell
(Valence, 1870 – Castellón, 1930)
é en 1870 au sein d’une famille modeste
de Valence, Antonio Fillol Granell travaille
dès son plus jeune âge dans la petite cordonnerie de son père, avant qu’on ne remarque son
talent pour le dessin. Dès l’adolescence, il intègre
l’École des Beaux-Arts de San Carlos, où il suit
les enseignements des peintres Ignacio Pinazo
Camarlench et Vicente March. En 1888, à seulement dix-huit ans, il fait sensation à l’Exposition
universelle de Barcelone où l’un de ses tableaux
remporte un prix de cinq-cents pesetas. Cette
récompense providentielle constitue un moment
décisif dans sa carrière puisqu’elle convainc sa
famille de le soutenir dans ses ambitions artistiques. Exposant régulier à la Nacional de Madrid,
Fillol Granell y remporte en 1895 la Médaille d’or
grâce à La Gloria del pueblo (cat. n° 316), une
œuvre puissante et monumentale célébrant le
monde paysan. Soucieux d’ajouter à son art une
dimension sociale, il choque le public en 1897 avec
La Bestia humana (cat. n° 363), une dénonciation frontale de la prostitution immédiatement
taxée d’ « immorale », avant d’être défendue par
de grandes 昀椀gures comme l’écrivain Vicente
Blasco Ibáñez. En 1903, une bourse lui permet
de parfaire sa formation artistique en France et
en Italie. Rentré à Valence, il obtient un poste de
professeur à San Carlos, école qu’il contribue
à réformer, avant d’assumer la présidence du
Cercle des Beaux-Arts de Valence aux côtés de
Sorolla. Membre in昀氀uent de la vie culturelle
locale, il lance en 1908 l’Exposition régionale des
Beaux-Arts et collabore aux débats sociaux via
la revue El Radical Diario Republicano. Outre
N
les multiples médailles qu’il remporte sur la
scène nationale (en 1901, 1904, 1908 et 1912) le
peintre connaît de prestigieux succès outre-Atlantique, en se voyant décerner des médailles
à l’Exposition universelle de Chicago en 1893,
ainsi qu’à la Panama–California Exposition
de San Diego en 1916.
ans cette œuvre rare et silencieuse peinte
en 1902, Antonio Fillol Granell s’éloigne
volontairement de son registre social et naturaliste pour explorer, avec une justesse émotionnelle saisissante, la poésie que dégage la
promenade solitaire d’une jeune femme un soir
de pleine lune. Vue de dos, immobile ou presque,
vêtue d’une longue robe au bleu laiteux, sa silhouette chemine lentement sur une allée étroite
bordée de massifs touffus et de rosiers en 昀氀eurs.
Elle paraît comme absorbée par la clarté grandissante de l’astre qui, à l’horizon, s’élève dans
un ciel brumeux. Ce lever de lune, à peine voilé,
baigne l’ensemble de la scène d’une lumière
froide et spectrale, douce et irréelle, qui efface
les contours et suspend le temps. Fillol Granell
construit sa composition de manière symétrique
mais non rigide : les branches entremêlées des
rosiers créent un cadre végétal dense et foisonnant, que les touches vibrantes et fragmentées de
son pinceau rendent presque tactile. Au centre
de la toile, la 昀椀gure féminine s’insère comme une
apparition, nous conviant à un temps de recueillement nocturne où la nature se fait con昀椀dente
de l’âme, dans un moment suspendu à la lisière
de l’instant vécu et de la rêverie.
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