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Émile-Artus Boeswillwald
(Paris, 1873 – 1935)
I
ssu d’une dynastie d’architectes d’origine Autour d’une toile (昀椀g. 1). Dans la pénombre d’un
alsacienne, petit-昀椀ls d’Émile Boeswillwald atelier, quatre hommes, artistes ou critiques, se
(1815-1896), lui-même ancien collaborateur d’Eu- tiennent autour d’un tableau à l’encadrement
gène Viollet-le-Duc et successeur de Prosper doré, disposé sur un chevalet partiellement
Mérimée comme inspecteur général des monu- hors champ à gauche. Concentrés et presque
ments historiques, Émile-Artus Boeswillwald silencieux, ils semblent presque 昀椀gés dans la
est très tôt initié au dessin. D’abord destiné à tension d’un jugement suspendu. Si la version
embrasser une carrière d’of昀椀cier, il est victime 昀椀nale af昀椀ne les traits et précise la lumière, notre
d’une mauvaise chute et souffre d’une maladie esquisse conserve sa puissance brute, révélant
chronique des bronches, l’obligeant à renoncer les premiers choix de composition, de masses et
à ce projet. Encouragé par l’environnement artis- d’ombres. Boeswillwald agence sa scène comme
tique de sa famille, il s’oriente vers la peinture et une mise en abyme de la peinture elle-même,
est admis en 1895 à l’École des Beaux-Arts dans entre sa soumission 昀椀nale au regard à gauche
l’atelier de Léon Bonnat. La même année, il fait et les pinceaux et palette abandonnés à droite, à
ses débuts au Salon des Artistes Français, où il l’origine de sa propre création. A travers de larges
connaît un certain succès en tant que portraitiste. touches très rapidement brossées et un clair-obsEn 1901, il y expose ainsi le portrait tendre de sa cur qui doit beaucoup à Ribera, le peintre 昀椀xe les
jeune 昀椀ancée Marguerite Geoffroy (cat. n° 218), attitudes des différents protagonistes, aiguillant
elle-même issue d’une dynastie de sculpteurs, notre regard de la gauche vers la droite. Un jeune
étant la 昀椀lle d’Adolphe Geoffroy et petite 昀椀lle de homme debout, absorbé dans la contemplation
Victor Geoffroy-Dechaume. L’intimisme marqué de la toile, domine légèrement la scène. Devant
de ses œuvres, in昀氀uencé par la peinture espa- lui, trois 昀椀gures masculines forment un arc :
gnole chère à son maître, lui vaut plusieurs récom- l’une appuyée sur sa main dans une attitude de
penses of昀椀cielles. Il reçoit la médaille d’honneur ré昀氀exion, alors que la deuxième, légèrement
au Salon de 1905 puis la médaille d’or en 1926, inclinée, paraît en conversation basse avec la
avant d’être élevé hors concours. Fait chevalier troisième, le visage dans l’ombre. Comme pour
de la Légion d’honneur en 1928, il conclut sa bril- atténuer la dramaturgie de cette scène intime
lante carrière of昀椀cielle en obtenant cette même aux allures de récit biblique, Boeswillwald comble
année un poste de professeur de dessin à l’École dans son tableau 昀椀nal les vides laissés par les
Polytechnique. Son œuvre, longtemps méconnue, fonds noirs, feutrés et denses en ajoutant deux
a fait l’objet d’une rétrospective en 2004 au musée 昀椀gures supplémentaires aux extrémités. Familier
Paul Dubois - Alfred Boucher de Nogent-sur- de ces cercles intellectuels, l’artiste dépeint
Seine, ville où sa famille s’était établie1.
ici un rituel professionnel qui a ses codes, sa
cérémonie empreinte de fraternité et d’une
otre séduisante petite esquisse sur pan- certaine discipline intérieure. En évoquant le
neau rend compte du caractère plus premier jugement silencieux qui entoure l’éclomoderne que peut revêtir la technique picturale sion d’une œuvre, cette scène, bien plus qu’une
d’Émile-Artus Boeswillwald. Elle prépare directe- anecdote d’atelier, se mue en allégorie discrète
ment une grande composition exposée au Salon de la création artistique.
des Artistes Français de 1904 (cat. n° 192) intitulée
N
Karine Cornu et Jacques Piette, Émile-Artus Boeswillwald, L’émotion intimiste, peintures et dessins,
catalogue d’exposition, Musée Paul Dubois - Alfred Boucher, Nogent-sur-Seine, 2004.
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