DWZ catalogue 3 BD - Flipbook - Page 74
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Albert Nikolaïevitch Benois
(Saint-Pétersbourg, 1852 – Fontenay-aux-Roses, 1936)
N
é à Saint-Pétersbourg, Albert Benois est
issu d’une prestigieuse dynastie d’artistes. Fils de l’architecte de la cour impériale
Nicolas Leontievitch Benois (1813-1898), il est le
frère aîné du peintre et scénographe Alexandre
Benois (1870-1960) et l’oncle de la célèbre peintre
Zinaïda Serebriakova (1884-1967). En 1871, il
intègre l’Académie impériale des Beaux-Arts, où il
suit un double cursus en architecture et en aquarelle, notamment auprès du peintre italien Luigi
Premazzi. Après avoir obtenu son diplôme d’architecte en 1877, il s’oriente vers le métier d’aquarelliste, auquel il se consacre dé昀椀nitivement à
partir de 1879. Dès l’année suivante, il fonde le
Cercle des Aquarellistes russes aux côtés des
peintres Ivan Chichkine et Konstantin Kryzhitsky.
Il privilégie ce médium graphique pour les nombreux voyages initiatiques qu’il effectue en Italie,
en France et en Espagne entre 1883 et 1885.
Exposant parallèlement ses aquarelles à SaintPetersbourg, il obtient le titre d’Académicien en
1884. À son retour, il entame une brillante carrière
au sein de l’Académie. Professeur d’aquarelle
dès 1885, il siège au Conseil de l’institution sans
discontinuer entre 1894 et 1905, tout en assurant
la direction du Musée russe à partir de 1895. Fin
illustrateur, il contribue également régulièrement à la revue artistique Mir iskousstva dès
1903. Si sa production laisse une large place aux
paysages, il s’attache à saisir aussi les scènes de
la vie rurale qui sont autant de témoignages de
ses voyages dans la campagne russe, en Sibérie,
sur les ports de la Neva et de Venise, dans le
Golfe de Finlande, en Asie et en Afrique du Nord.
Reconnue pour son réalisme délicat et son usage
sensible de la lumière, sa palette dégage une
certaine poésie évoquant les expression graphiques de William Turner. Après la Révolution
de 1917 sonnant le glas du régime tsariste, Albert
Benois prend la direction du Musée des Arts
décoratifs de Petrograd. En 1924, il s’exile en
France et s’installe à Fontenay-aux-Roses, près
de Paris, où il 昀椀nit ses jours, rejoint par sa 昀椀lle la
cantatrice Maria Tcherepnin.
N
otre aquarelle sur carton, subtile et
animée, appartient au rare corpus des
œuvres imaginaires d’Albert Benois. L’inscription
en bas à gauche en alphabet cyrillique « Vue
fantastique depuis la fenêtre de mon atelier »
pose un décor que la composition, à première
vue, suggère : contrairement aux habitudes de
l’artiste, il ne s’agit pas ici d’un document topographique mais d’un paysage mental, dans lequel
le réel et l’imaginaire fusionnent dans l’œil du
peintre. Ce dernier livre un regard à la fois intime
et mythi昀椀é en mêlant de manière singulière une
vue réelle de la ville depuis son atelier (probablement Saint-Petersbourg ou Moscou) à une vision
intérieure. La composition verticale nous invite
à basculer du monde terrestre du premier plan,
lourd de matière avec ses architectures ternes,
sa cheminée fumante, peuplé de corbeaux noirs,
vers un lointain plus imaginaire, baigné dans la
lumière rose et or d’un superbe soleil couchant.
À l’horizon, la ville devient légende. Sous un ciel
昀氀amboyant où les nuages mauves 昀氀ottent dans la
lumière laiteuse du soir se découpent en contrejour les silhouettes d’immenses constructions
fantaisistes : un pro昀椀l de forteresse proche du
Kremlin ainsi qu’un imposant dôme aux allures
de basilique byzantine. Leurs présences rappellent la première formation d’architecte de
l’artiste, et semblent ajouter à cette œuvre une
strati昀椀cation symbolique. Si le quotidien des
hommes demeure assujetti aux lieux de pouvoir
et à la mort (ici évoquée par les corbeaux), par les
lieux de la Foi, il tend à s’élever vers le ciel.